Lorsque l'on pense à la mort tragique d'un pilote de Formule 1 fauché en pleine course, la plupart du grand public répond Ayrton Senna. Pourtant, le décès brutal et tout aussi triste de Gilles Villeneuve a contribué à le faire entrer encore plus dans la légende, lui qui n'a pas eu le temps d'écrire un palmarès aussi grand que son talent et que sa personnalité attachante… Retour sur l'un des pilotes - si ce n'est le pilote - le plus apprécié de tous les temps.
Le petit Gilles Villeneuve est né le 18 Janvier 1950 au Québec au sein d'une famille tout ce qu'il y a de plus classique. Il aura un petit frère, Jacques-Joseph Villeneuve, qui fera lui aussi une respectable carrière dans le monde du sport automobile. Les deux frères vont alors développer une passion commune pour les courses mécaniques et plus particulièrement les courses automobiles. Cette passion les anime tellement tous les deux que leur père leur offrira une piste de courses de petites voitures électriques, le début d'une belle et grande vocation familiale ! Les deux petits garçons se voient déjà au volant des plus rapides voitures du monde en train de se disputer les premières places sur les circuits. Les premiers pas dans les concours de sports mécaniques se feront à la sortie de l'adolescence via les compétitions de dragster pour Gilles. Il s'inscrit avec sa voiture personnelle, une Ford Mustang à l'époque. Mais il ne parviendra pas à s'imposer dans cette discipline… Deux problèmes : les résultats ne sont pas à la hauteur de ses espérances, mais aussi, le coût de participation à ces compétitions et l'entretien de ses voitures coûtent cher. Il délaissera donc peu à peu la course de dragster au profit des courses de motoneige, très populaires au Canada et plus abordable économiquement. Son apprentissage sur les anneaux de glace forgera son style de futur pilote de Formule 1, un style agressif et spectaculaire !
C'est à cette époque qu'il remporte ses premiers trophées au Canada et aux Etats-Unis, jusqu'à toucher le graal suprême de la discipline : devenir champion du monde de motoneige en 1974. En parallèle, grâce à l'argent accumulé avec ses victoires en motoneige, Gilles peut enfin faire ce dont il rêve depuis tout petit, devenir pilote automobile. C'est ainsi qu'il remporte le championnat de Formule Ford du Québec puis accède à la Formule Atlantique en 1974.
Mais l'année 1974 ne va pas se passer exactement comme prévu pour le néo coureur de Formule Atlantique. Ses résultats ne sont pas du tout au niveau de ses espérances, si bien que le budget vient à manquer. S'il n'arrive pas à percer l'année suivante, ses rêves de pilote automobile professionnel s'envoleront… Heureusement pour lui, il gagne sa première course dans la discipline durant l'année 1975 sur le circuit de Gimli sous une pluie battante. Mais l'apothéose de sa carrière de pilote de Formule Atlantique arrive durant l'année 1976, sur les 10 courses, il en gagne 9 et remporte haut la main le titre de vainqueur du championnat, qu'il réussit à garder la saison suivante. Son ancien coéquipier de l'époque, Richard Spénard, expliquera de lui : “Gilles était déjà un pilote professionnel grâce à ses nombreuses années en motoneige. Il possédait déjà une attitude de pilote professionnel et il était habitué à effectuer des essais, et à développer, concevoir et même fabriquer des pièces. Il avait ce côté ingénieur. À côté de lui, nous étions des jeunes pilotes sans beaucoup d'expérience. Gilles était un 'patenteux' comme on dit ici. Nous ne faisions que piloter tandis que lui faisait aussi tout le travail de développement et d'ingénierie. Dans la catégorie, le niveau de pilotage n'était pas super relevé, mais pour lui, c'était le top. Il agissait en pilote hyper professionnel. Il faisait des exercices pour améliorer sa vision et d'autres choses de ce style. Il ne laissait rien au hasard.”.
Cette abnégation et ce sens de la course permettront à Villeneuve de se faire remarquer lors d'une épreuve du championnat 1976. La course en question est le Grand Prix de Trois-Rivières. Plusieurs pilotes de Formule 1 sont invités à concourir le Grand Prix aux côtés de leurs homologues de Formule Atlantique. Parmi eux, Vittorio Brambilla, vainqueur du championnat de Formule Atlantique l'année passée mais qui est monté vers l'échelon supérieur en 1976, l'australien Alan Jones, futur champion du monde de F1 en 1980, mais enfin, et surtout James Hunt, actuel leader du championnat du monde de Formule 1 et qui s'imposera finalement au terme de la saison. Tous ces illustres pilotes se font sans exception coiffer au poteau par Villeneuve qui remporte la course. Le pilote canadien a alors impressionné tous les spectateurs présents au moment de la course mais pas seulement, il a également impressionné James Hunt qui ira de suite recommander à son employeur de donner sa chance en Formule 1 au pilote québécois.
Ce sera chose faite dès l'année suivante où il signe un contrat chez McLaren permettant de pouvoir concourir un nombre prédéfini de course en F1. Le premier Grand Prix de sa carrière dans l'élite a lieu sur le circuit de Silverstone en Angleterre. Le bolide rouge n°40 piloté par Villeneuve prend un très bon départ pour un novice. Au 10ème tour, il est classé 7ème de la course et est même positionné devant Jochen Mass, un de ses coéquipiers chez McLaren. Jochen Mass, souvenez-vous bien de ce nom, nous en reparlerons un petit peu plus tard dans le podcast… Mais durant la course, il est obligé de s'arrêter au stand afin de réparer un problème de système de refroidissement et repart en 21ème position. Il se classera finalement en milieu de peloton à la 11ème place mais après avoir effectué une folle remontée. Durant son come-back il a même effectué le 5ème tour le plus rapide de toute la course. Sa première expérience dans la catégorie reine fut alors très concluante. Il décide même d'envoyer un carte de remerciement à toute l'équipe de McLaren pour leur faire part de sa gratitude d'avoir pu mettre un premier pas dans le monde des Formule 1.
Lors de sa première course, il a tapé dans les yeux d'Enzo Ferrari qui décide de le faire signer dans son écurie en tant que troisième voiture pour les deux dernières courses de la saison. Mais finalement, il évoluera en qualité de deuxième pilote après une embrouille entre Niki Lauda et Enzo Ferrari, qui verra le pilote autrichien, après avoir assuré une avance de points d'avance suffisante sur son dauphin pour ravir le titre de champion du monde de F1 1977, quitter Ferrari avant même la fin de la saison.
La première de ses deux courses connaît une sentence semblable à celle disputée chez McLaren plus tôt dans la saison, il finit à la 12ème place du Grand Prix qui a lieu chez lui, au Canada. La seconde course cependant ne sera pas du même ressort… Cette épreuve est le Grand Prix du Japon. Après s'être qualifié à une faible vingtième place, Villeneuve doit alors s'employer pour essayer de remonter dans le classement. Pour cela, au 6ème tour, il entreprend de doubler la Tyrrell 6 roues de Ronnie Peterson. Mais une incompréhension entre les deux pilotes entraîne l'accrochage des deux véhicules ! La Ferrari de Villeneuve s'envole, virevolte dans les airs, percute de plein fouet deux spectateurs et s'écrase sur le sol après avoir perdu sa coque avant… Le pilote s'en sortira indemne, sept spectateurs ont dû être transportés à l'hôpital après avoir été heurtés par des débris du bolide infernal, mais malheureusement, les deux spectateurs violemment fauchés par la Formule 1, gisent inconscients sur la terre japonaise. Malgré l'arrivée rapide des secours sur place, ils ne pourront pas ramener ces deux personnes à la vie… Après enquête, il s'avèrera que les deux spectateurs tués (un photographe et un officiel) se trouvaient dans un endroit interdit au public. Ils s'étaient positionnés devant les protections sur le bord de la piste…
Ce sera le premier rendez-vous avec la mort pour Gilles Villeneuve, malheureusement pas le dernier…
La saison suivante, en 1978, sera la première saison complète de Villeneuve dans le circuit de Formule 1. Mais il met du temps à prendre ses marques au sein de la firme italienne, ses résultats ne sont pas de suite à la hauteur des exigences des médias italiens qui réclament déjà son départ de l'écurie au cheval cabré. Peu à peu, le canadien améliore ses résultats jusqu'à accrocher le premier podium de sa carrière mi-Août en Autriche avec une 3ème place sur un terrain détrempé.
Mais un nouveau drame viendra refroidir les ardeurs de tous les pilotes de Formule 1… Le 10 Septembre a lieu le Grand Prix de Monza en Italie et sera le théâtre d'un spectaculaire accident. Une confusion, lorsque le départ est donné, amène une réaction en chaîne qui entraîne une énorme collision entre plusieurs pilotes. Certaines Formule 1 s'embrasent même en plein milieu de l'asphalte… Le chaos est total… Un pilote, Vittorio Brambilla, est allongé inconscient sur l'herbe à côté de la piste après avoir été frappé de plein fouet par une roue, un autre, Ronnie Peterson est au cœur de sa voiture en flammes et n'arrive pas à se dégager… Lorsqu'il est enfin secouru de son brasier grâce à deux pilotes de la course, il est allongé sur le sol, conscient mais avec les jambes broyées… Brambilla s'en sortira après plusieurs jours de coma, pas Peterson qui décédera le lendemain…
Malgré ce drame, le championnat doit reprendre, il reste encore deux courses à effectuer avant la fin de l'année.
Pour Villeneuve, le sommet de sa jeune carrière arrive lors du dernier Grand Prix de la saison qui a lieu le 8 Octobre 1978 outre Atlantique, chez lui, au Canada. Ce jour-là, le public est venu en masse observer la course et plus particulièrement, son idole : Gilles Villeneuve, seul pilote canadien du circuit.
Quelle merveilleuse façon de terminer l'année, la première victoire de sa carrière, qui plus est à domicile, avec un public en délire dans les tribunes ! Lors du podium, la foule se rassemble pour apercevoir leur champion soulever le trophée, elle scande avec entrain le nom de Gilles Villeneuve, émerveillé par tout cet amour qu'il reçoit ! Sa femme, elle, s'effrondre en larmes tellement elle est émue. Ça y est c'est officiel, Villeneuve a fait taire tous ses détracteurs.
L'année 1979 sera l'apogée de sa carrière sportive. Au cours de la saison, il enchaîne les succès et les places d'honneur. Victoires au Grand Prix d'Afrique du Sud puis des Etats-Unis Ouest, secondes places aux Grands Prix de France, d'Autriche, d'Italie et du Canada et enfin victoire au dernier Grand Prix de la saison, aux Etats-Unis Est. Mais le duel pour la première place bon mondial est très très serré avec son collègue de chez Ferrari, Jody Scheckter ! Finalement, au terme de la saison, le pilote sud-africain sera sacré champion, le canadien vice-champion. Petite déception pour Villeneuve qui vient de livrer la meilleure saison de sa carrière, mais il sait que son tour viendra, qu'il faut juste être patient. L'écurie Ferrari quant à elle, est ravie de ce classement puisque ses deux pilotes clôturent leur saison aux deux premières places du championnat.
Mais 1979 est aussi l'année où Villeneuve conquiert le public du monde entier, ce qui fait de lui le pilote le plus apprécié du moment ! Même encore aujourd'hui, l'amour et l'admiration envers ce pilote sont quasiment intacts, près de 30 ans après son dernier Grand Prix disputé… Cet amour mondial pour le pilote québécois est surtout né cette année-là grâce à deux épisodes qui ont fait sa renommée dans les paddocks.
Le premier a lieu chez nous, en France, à Dijon plus précisément. Cette course est connue de tous les admirateurs de Formule 1 comme le duel le plus intense et le plus passionnant de toute l'histoire. Plus de 120 000 spectateurs assisteront à cette course magistrale ! Jean-Pierre Jabouille partira en pole position après avoir atomisé le record du tour du circuit ! Derrière lui partira René Arnoux. Les deux premières places sont donc occupées par l'écurie Renault. Et enfin, en troisième position partira Gilles Villeneuve. Jabouille, Arnoux, Villeneuve, retenez bien ces trois noms, ce seront les trois pilotes qui forgeront notre intrigue. Dès le premier tour, Villeneuve réalise le meilleur départ et clôt ce tour en tête devant Jabouille. Arnoux lui, après un départ totalement raté, redescend en 9ème position. Mais au fur et à mesure de la course, Arnoux remonte les pilotes un à un jusqu'à atteindre la 3ème place au 15ème tour ! A mi-course, Villeneuve est toujours leader avec une seconde et demie d'avance sur Jabouille, Arnoux, est en troisième position à une douzaine de secondes du canadien. Au 46ème tour, après avoir recollé à Villeneuve, Jabouille lui prend l'aspiration et finit par le doubler pour reprendre la place de leader de la course ! Le public français jubile, un de ses compatriotes prend la tête de la course, et un autre est en troisième position. Au 56ème tour, Jabouille possède une avance de 6 secondes devant Villeneuve, Arnoux quant à lui est à 30 secondes de la première place. 8 tours plus tard, Villeneuve s'effondre, à cause de l'usure de ses pneus, il compte maintenant près de 17 secondes de retard sur la tête et voit Arnoux lui recoller à 12 secondes. A 4 tours de l'arrivée, Jabouille est quasi sûr de remporter le Grand Prix car il possède une avance suffisante pour espérer ne plus être rejoint. Derrière lui cependant, Arnoux a recollé Villeneuve et les deux bolides sont roues dans roues à une allure folle, le duel mémorable est en marche ! Personne n'est capable de prédire l'issue du duel, le canadien a des gommes totalement usées qui le ralentissent, tandis que le français frôle la panne sèche. Au 78ème tour, soit à 2 tours de l'arrivée, Arnoux fait l'intérieur à Villeneuve, le voilà deuxième après une remontée fantastique ! Mais le canadien ne se laisse pas faire, et va finir par revenir sur le français grâce à son style de conduite si caractéristique et spectaculaire, freinant aux derniers moments afin de grappiller le plus de secondes possible. Le tout dans une épaisse fumée blanche sortant de ses pneus qui sont sollicités comme ils ne l'ont jamais été. Les deux amis vont alors rentrer dans leurs deux derniers tours, où le spectacle et le talent des deux pilotes vont opérer. Ils se doublent, se re-doublent, se re-re-doublent, … Leurs véhicules sont l'un à côté de l'autre, se touchent, sur et en dehors de la piste. Écoutons ensemble ces trois derniers tours mythiques commentés par Jacques Deschenaux, le Monsieur Formule 1 de la télévision suisse. Résultat final : Jean Pierre Jabouille vainqueur devant Gilles Villeneuve et René Arnoux. Mais ici le spectacle plus que le résultat restera dans les mémoires et dans les annales de ce sport.
Le deuxième moment qui fera définitivement entrer Villeneuve dans la légende a lieu fin Août durant le Grand Prix de Zandvoort, aux Pays-Bas. Cette fois-ci, ce n'est pas un duel mythique qui marquera les esprits, mais un combo de malchance et de folie du québécois.
Les séances de qualifications se passent moyennement bien pour les deux Ferrari reléguées aux 5ème et 6ème places derrière les deux Renault et les deux Williams. Villeneuve toujours deuxième au classement général derrière son collègue de chez Ferrari doit faire un bon résultat pour continuer d'espérer décrocher le trophée mondial. Dès le début, le bilan sera très contrasté pour les deux pilotes de l'écurie italienne. Scheckter fait le pire départ possible et se retrouve en dernière position tandis que Villeneuve fait un départ fulgurant comme il en a si bien l'habitude et se place en deuxième position. Durant la première partie de la course, Jones, Villeneuve et Jabouille seront inséparables en tête de course ! Mais au 11ème tour, Villeneuve tente l'impossible ! En pleine ligne droite, il se cale derrière Jones, lui prend l'aspiration, le déborde sur sa gauche et prend l'extérieur dans le célèbre virage Tarzan. Mais le québécois dérape légèrement dans le virage, l'avantage est donc toujours pour Jones. Mais le canadien n'a pas dit son dernier mot, il réussit à retrouver de nouveau de l'adhérence, remet les gaz à fond et réussit à se rabattre en tête de la course et à coiffer le pilote de chez Williams. Une stratégie très risquée mais qui finit par payer et qui ébahit les plus grands spécialistes. C'est ça le style Villeneuve, tenter le tout pour le tout, pousser sa machine à bout et si ça passe, tant mieux, si ça casse, il n'aura aucun regret puisqu'il aura tout tenté. C'est pour son style si caractéristique qu'il sera autant apprécié du public et des spectateurs. Mais la course n'est pas finie !
Je vous ai raconté tout à l'heure que cette course permettrait à Villeneuve de marquer durablement les esprits de l'histoire grâce à un combo de malchance et de folie. Vous venez d'avoir la retranscription de la folie Villeneuve, reste la malchance… Ou plutôt, vous venez seulement d'avoir un aperçu de la folie de Villeneuve, je ne vous ai pas encore tout raconté sur ce fabuleux sportif… Plus tard dans le Grand Prix, il va subir de la malchance, mais c'est surtout sa réaction à cette malchance qui va être mémorable !
Au 40ème tour, Villeneuve crève du pneu arrière gauche. Mais cette crevaison est une crevaison lente qui va lui permettre de continuer la course, même si elle risque de l'handicaper au niveau sportif. Il est toujours en tête mais son avance fond comme neige au soleil et sa voiture devient de plus en plus instable. Dans le 47ème tour, alors qu'il essaye de tout tenter pour se faire rattraper le moins possible, Villeneuve est victime d'un tête à queue en plein virage ! Il réussit à éviter de toucher le rail de sécurité et repart tant bien que mal à l'assaut du pilote australien qui ne s'est pas gêné pour reprendre la première place. A la sortie de cet incident, Villeneuve compte dix secondes de retard sur Jones mais l'état de sa roue se dégrade de plus en plus. Deux tours plus tard, le pneu de Villeneuve éclate alors que la Formule 1 est lancée à pleine vitesse. Elle quitte donc la piste et termine sa course dans les graviers de ce fameux virage Tarzan. Plus de peur que de mal pour le pilote québécois qui n'a pas terminé sa course écrasé contre le rail de sécurité…
C'est à ce moment-là que la folie de Villeneuve est la plus déconcertante. Alors qu'il sait que suite à son accident Jones a pris encore plus d'avance, il décide de rester à l'intérieur de sa monoplace et d'essayer de terminer le circuit malgré tout ! Il entame alors une incroyable marche arrière en plein milieu de la piste pour pouvoir se remettre dans la bonne direction et repartir sur le circuit. Le voilà reparti à plein gaz à l'assaut de l'australien alors que l'on voit sur les images de télévision que sa roue est totalement déjantée, on ne sait par quel moyen le pneu est encore accroché à celle-ci ! Le premier virage se présente devant le pilote canadien ! Même pas peur, il enclenche la pleine puissance et réussit tout de même à manier sa Formule 1 malgré l'instabilité totale de celle-ci. La scène est époustouflante, incroyable, surnaturelle ! Sur les images suivantes, nous voyons Villeneuve arriver au loin, mais il n'a plus que trois roues ! Ses suspensions et sa roue arrière gauche ont cassé, le voilà alors qui roule avec son châssis frottant sur l'asphalte ce qui provoque des étincelles derrière le pilote ! Sur certaines images, nous voyons même le pilote avançant sur deux roues seulement ! Étant donné que le châssis ripant le bitume est plus bas que la position normale de la roue arrière gauche, la roue avant droite est donc naturellement surélevée et ne touche plus le sol ! Rien n'arrêtera le casse-cou qui lève alors le bras pour signifier aux autres pilotes qu'il a quelques soucis ! Il faut vraiment voir les images et vidéos de ce moment pour se rendre compte de l'absurdité de cette situation. Deux roues en moins, un bras levé, il est donc en train de piloter sa monoplace totalement instable à une seule main ! Le public n'en revient pas et est ébahi par l'audace de ce pilote qui parvient enfin à regagner les stands tant bien que mal où son équipe l'attendait avec impatience. Il était prêt à repartir et ne se rendait pas compte de l'étendue des dégâts derrière lui.
Aujourd'hui, même si cet acte pourrait être vu totalement inconscient de la part d'un pilote d'avoir entrepris une marche arrière sur la piste, d'avoir roulé sur trois roues au milieu des autres pilotes qui le dépassent et même d'avoir roulé sur deux roues à certains moments alors que sa Formule 1 raclait tout le sol nééerlandais, à l'époque, tout le monde l'a félicité d'avoir accompli un tel exploit et d'avoir malgré tout su ramener sa monoplace aux stands !
Ces deux faits majeurs dans la carrière de Villeneuve incarnent parfaitement le courage et le culot de cet homme, prêt à tout pour continuer à piloter et prendre le plus de plaisir possible au volant de son véhicule.
Après une saison 1980 affreuse avec une voiture pas à la hauteur de ce que pouvait fournir Ferrari, un début de renouveau aura lieu en 1981. Après un début de saison poussif, il réussit à se reprendre petit à petit et finit par l'emporter deux fois consécutivement, à Monaco et en Espagne. Sa fin de saison sera plus terne mais il réussit tout de même à accrocher une très belle 3ème place à Montréal malgré avoir fait toute la course avec l'aileron dressé à la verticale à cause de deux chocs avec d'autres concurrents en début de course. Les deux coéquipiers de chez Ferrari cette année-là sont Gilles Villeneuve et Didier Pironi, qui a été embauché par la Scuderia à la suite du départ de Scheckter. Les deux pilotes sont coéquipiers dans l'écurie, certes, mais ce sont surtout de très grands amis en dehors des paddocks.
Vient ensuite l'année 1982. Pour les pilotes, on prend les mêmes et on recommence ! Villeneuve et Pironi sont les deux protégés d'Enzo Ferrari. Après, là encore, un début de saison pas à la hauteur des attentes des pilotes et de l'écurie, arrive le Grand Prix de Saint-Marin. Au départ de la course les deux pilotes de chez Ferrari sont en 3ème et en 4ème position. Mais à mi-course, les deux véhicules Renault sont obligés d'abandonner la course, Villeneuve devient alors leader de la course suivi de peu par son équipier Pironi. La route vers la victoire est alors toute tracée pour les pilotes de l'écurie rouge. Afin d'assurer la victoire, à 10 tours de l'arrivée, le staff de la firme italienne montre à ses pilotes un panneau avec écrit “SLOW”. Traduction : figez vos positions et ne prenez pas de risques inutiles. Villeneuve étant devant Pironi au moment de l'action, il est implicite, mais établi que Villeneuve doit et va gagner la course. Mais Pironi ne l'entend pas de cette oreille, pour lui, une course est une course et doit se jouer jusqu'au bout ! Il attaque alors Villeneuve et lui reprend la tête de la course. Mais Villeneuve ne s'inquiète pas, il se dit que c'est normal, que le français cherche à faire le spectacle pour divertir le public, mais que, vu que les positions étaient figées par le staff italien, Pironi laisserait passer de nouveau Villeneuve afin de lui laisser remporter le Grand Prix. Mais il se rend vite compte que ce n'est pas du tout les ambitions de son équipier. Résultat final, Pironi remporte le Grand Prix devant Villeneuve. Sur le podium, c'est la première fois que les spectateurs ne voient pas Gilles Villeneuve avec son sourire radieux. Ici, il a un visage fermé, tout énervé après ce qu'il appelle la trahison de son ami… Il annoncera aux médias après la course : “Finir second est une chose, mais finir second parce qu'on vous a volé en est une autre !”.
Il n'aura malheureusement pas le temps de pardonner à son coéquipier…
15 jours après la trahison de Saint-Marin, arrive le Grand Prix de Zolder en Belgique. Villeneuve, toujours vexé du Grand-Prix précédent, ne veut pas se laisser faire. Juste avant le départ de la course, il parle avec son ami journaliste Pierre Lecours et explique : “Je ne lui pardonnerai jamais. Si je peux le bloquer, je vais le faire, crois-moi ! A partir de maintenant, c'est la guerre entre nous !” Pironi pourtant, essaye de parler à Gilles afin de s'expliquer et de calmer la situation, mais Villeneuve l'évite et lui en veut toujours autant. Il n'a qu'une seule ambition, le battre sur la piste ! A un quart d'heure de la fin de la séance de qualifications, Pironi signe un meilleur temps que Villeneuve. Ce dernier, furieux de voir son équipier le devancer, décide de repartir sur le circuit après avoir installé de nouveaux pneus. Mais sans succès, il n'arrivera pas à le battre. Un membre de l'équipe technique de Ferrari lui tend alors un panneau lui disant de rentrer au stand afin d'effectuer quelques réglages sur la monoplace. Mais dans son tour de décélération, il est tout de même lancé à vive allure sur l‘asphalte. A la sortie d'un virage, Jochen Mass, son ancien coéquipier, voit arriver la Ferrari de Villeneuve lancée à pleine vitesse. Lui, à faible allure sur le circuit, décide alors de se déporter sur le bord de la route afin de ne pas gêner Villeneuve dans sa trajectoire. Mais le pilote canadien décide au même moment de se déporter pour doubler l'allemand devant lui. C'est le carambolage… Les images font froid dans le dos… La Ferrari décolle, frappe le rail de sécurité sur le côté, enchaîne les tonneaux et se disloque dans les cieux. La faucheuse est en train de s'amuser avec le pauvre Gilles Villeneuve. Dans le choc, elle éjecte de sa Formule 1 le corps du pilote, le fait voler et danser dans les airs tel un pantin désarticulé avant de lourdement retomber sur le sol au pied d'un grillage de sécurité. Il n'y survivra pas… La violence de l'accident lui arrache le casque, ne laissant aucune chance au malheureux… Aussitôt, les secours sont sur place, un médecin commence à lui faire un massage cardiaque, du bouche à bouche. Les pilotes arrivés en renfort pour aider sur les lieux de sont tous choqués de la gravité de l'accident et comprennent malheureusement tout de suite le drame qui est en train de se jouer… Jochen Mass décrit : “Je l'ai vu arriver dans mon rétroviseur gauche et je me suis mis sur la droite, légèrement. Je ne comprends pas ce qui s'est passé... Un choc sur la roue arrière droite. Gilles n'a pas dû comprendre ma manœuvre. La voiture s'est envolée comme un avion... C'est terrible, vraiment terrible.”. Villeneuve sera évacué dans une ambulance sur la piste puis en hélicoptère, mais à 21h12 très précisément, le pilote canadien rend son dernier souffle. Il s'éteint à l'âge de 32 ans et laisse derrière lui une veuve, Joann Villeneuve, et deux enfants, Jacques et Mélanie.
C'est le choc pour tous les spécialistes de Formule 1 ainsi que pour tous les canadiens. Pour eux, ils avaient même oublié que Gilles VIlleneuve n'était pas immortel. Après l'accident, Didier Pironi et toute l'équipe Ferrari annonce se retirer du Grand-Prix de Belgique en signe de deuil envers leur équipier. Plus tard dans la saison, Pironi réussira à décrocher la pole position chez Villeneuve au Grand-Prix du Canada, il décidera alors de dédier cette performance à son collègue et ami disparu. Une personne est inconsolable également : Enzo Ferrari. “Je l'aimais comme un fils” annoncera-t-il. Pourtant, après avoir perdu son fils, Dino, à l'âge de 24 ans, il ne souhaitera plus jamais se lier d'amitié avec ses pilotes afin de ne plus souffrir lors de la perte de ses proches, mais Gilles était tellement admirable, attachant et jovial qu'il fit une exception pour ce pilote...
Le 14 Mai 1982 a lieu à Montréal la cérémonie funéraire du pilote disparu. Près de 12 000 personnes sont présentes aux funérailles. Parmi ces spectateurs, de nombreux pilotes actuels ou anciens, et notamment Jody Scheckter qui prononce un discours durant cette cérémonie dont voici quelques mots : “Gilles n'a jamais été champion du monde, mais il a toujours été le plus rapide. Je ne l'oublierai jamais !
Le circuit a donc perdu si tragiquement son chouchou. Mais sa mémoire, elle, est restée intacte au fil des années.
Il y a tant d'anecdotes que j'aurais pu vu raconter sur la vie de Gilles Villeneuve, comme celle où il a fait une course de 1000m contre un avion de chasse et qu'il a remporté, ou encore celle où il a fait un pari avec René Arnoux de prendre un virage le plus rapidement possible et a fini dans le mur ! Voilà c'était ça, Gilles Villeneuve, le pilote à la belle bouille et au sourire attendrissant, au panache remarquable, au style spectaculaire et au décès poignant...
De nos jours, le circuit automobile de Montréal sur lequel Villeneuve a obtenu la première victoire de sa carrière porte le nom de Circuit Gilles Villeneuve. Une inscription “Salut Gilles” est également inscrite sur la ligne de départ. Mais le plus bel hommage qui sera rendu au grand champion viendra de Jacques. Son fils, alors devenu lui aussi pilote professionnel de Formule 1, remporte le championnat du monde 1997, performance que n'avait jamais réussi son père, parti si brutalement, lors d'un banal dépassement, comme il en a effectué des milliers au cours de sa magnifique mais si courte carrière…