De nos jours, chaque personne sur Terre connaît le trophée de la Coupe du Monde de Football. Mais ce que chaque personne connaît moins, c'est l'histoire rocambolesque de l'ancien trophée de cette même Coupe du Monde... Entre cache-cache avec les nazis et différents vols lors des éditions suivantes, retour sur l'étonnante histoire du trophée Jules Rimet !
Aujourd'hui nous innovons, je ne vais ni vous conter l'histoire d'un événement particulier ou d'un sportif, mais plutôt d'un trophée ! Le trophée de la compétition, avec les Jeux Olympiques, la plus regardée au monde : la Coupe du Monde de Football ! Ou plutôt, l'ancien trophée de la Coupe du Monde...
Fin Juin 1930, à Villefranche-sur-Mer, l'équipe de France et son entraîneur embarquent à bord du Conte Verde, et y retrouvent l'équipe de Roumanie. L'équipe belge les rejoint le lendemain et le navire jette les amarres direction l'Uruguay pour aller disputer la première Coupe du Monde de football de l'histoire. A bord, se trouvent également 3 arbitres européens et Jules Rimet, président de la FIFA qui emmène avec lui le trophée du futur vainqueur. Le voyage de deux semaines se passe dans une ambiance très conviviale où les différentes équipes s'entraînent tour à tour sur le pont du bateau. Elles sont rejointes par l'équipe brésilienne qui embarque sur le paquebot au passage. Le bateau et toute la compagnie accostent à Montevideo le 4 Juillet où une foule de 10 000 personnes accueillent les différentes équipes à bord.
Après une semaine d'entraînement sur place, la Coupe du Monde est officiellement lancée le Dimanche 13 Juillet à 15h00 avec deux matchs simultanés sous les flocons de neige tombant sur Montevideo : France - Mexique et Etats-Unis - Belgique. Le premier but de l'histoire de la compétition est d'ailleurs l'œuvre d'un français, Lucien Laurent. Il expliquera : "Quand j'ai marqué ce but, j'ai eu une joie simple, celle d'un buteur normal avec ses coéquipiers. On a dû tout juste s'embrasser ou se taper dans la main avant de reprendre le jeu. Sur le coup, je ne me suis même pas posé la question de savoir si c'était le premier but du Mondial. Je n'ai pas réalisé." Ce match sera gagné 4 buts à 1 par l'équipe de France mais elle n'arrivera pas à disputer la demi-finale au terme des matchs de la phase de groupes de la compétition. Au terme du tournoi, parmi les 13 équipes en lice au départ, la finale opposera deux équipes voisines : l'Argentine et l'Uruguay. C'est l'équipe jouant à domicile qui deviendra la première équipe à soulever la coupe.
La coupe remise au vainqueur justement, parlons-en ! Contrairement au trophée remis de nos jours à l'équipe victorieuse de la Coupe du Monde, celui-ci n'est pas fait d'or mais est en argent massif plaqué or et mesure environ 35 centimètres de haut pour un peu moins de 4kg. Il est l'œuvre du sculpteur parisien Abel Lafleur. Ce trophée est tout un symbole lorsque l'équipe victorieuse le soulève car il représente la déesse Niké, déesse de la Victoire. Il a d'ailleurs une vocation très particulière, il sera conservé définitivement par la première équipe triple victorieuse de la Coupe du Monde.
Mais pourtant, le trophée, aussi étrange que cela puisse paraître, ne fera pas seulement parler de lui uniquement lors de sa remise... Il connaîtra tout un lot de péripéties qui forgeront sa légende.
La première d'entre elles commence en 1939 ! A l'époque, la Fifa est en train de décider quelle nation va avoir le privilège d'organiser la Coupe du Monde 1942. Deux pays sont candidats : l'Argentine et le Brésil. Mais lors de la visite par Jules Rimet des infrastructures existantes brésiliennes, l'Allemagne envahit la Pologne et commence alors la Seconde Guerre Mondiale ! Jules Rimet et sa fédération cessent alors leurs visites dans les pays organisateurs et prennent ensemble la décision d'annuler la Coupe du Monde 1942.
Le trophée est alors propriété de l'Italie qui a remporté le mondial en 1938, en France. Elle a d'ailleurs conservé son titre puisqu'elle avait déjà été championne, chez elle durant l'édition précédente. Mais lors de l'envahissement de l'Italie par les troupes allemandes, Hitler se dit que prendre possession du trophée assouvirait encore plus sa domination sur le monde entier et prouverait une nouvelle fois, la grandeur et la puissance de son peuple. Mais un homme n'est pas dupe... Ottario Barassi ! Ce nom ne vous dit peut-être rien, pourtant, c'est à lui que le trophée doit son salut ! Cet homme n'est autre que le président de la FIGC (la Fédération Italienne de Football) mais également vice-président de la FIFA.
Durant l'année 1942, cet homme retire secrètement le trophée de la Coupe du Monde rangé dans un coffre d'une banque italienne afin de le mettre en lieu plus sûr ! Après quelques réflexions sur le meilleur endroit où cacher ce trophée, il décide de l'emporter avec lui et de le cacher, dans une boîte à chaussures, sous son lit ! Mais en 1944, alors que le régime fasciste de Mussolini est en train de sombrer, le chancelier allemand Adolf Hitler décide d'envoyer sa Gestapo et ses SS en mission pour récupérer le trophée. A plusieurs reprises, les soldats allemands fouillent alors de fond en comble l'appartement de Barassi mais sans jamais regarder sous le lit... Ottario Barassi fait alors mine d'être totalement interloqué et de ne pas comprendre ce qu'étaient venus chercher les soldats, tout en prétextant que le trophée avait été emmené à Milan... Quelques années après la capitulation de l'Allemagne, Ottario Barassi sort alors le trophée de sa cachette et le rapporte tout fièrement au Brésil, prochain pays organisateur de la Coupe du Monde qui aura lieu en 1950 ! Il est alors accueilli en héros au pays du football et est désormais connu comme l'homme qui a sauvé la Coupe du Monde des mains des nazis !
La deuxième péripétie qui forgera la légende de ce trophée a lieu en 1966. Cette année-là, la Coupe du Monde fait escale en Angleterre pour la première édition au pays fondateur du football. Le trophée est fièrement exposé au cœur de la "Westminster Central Hall", à Londres, où avait lieu une exposition de timbres. Une équipe de 5 gardes est alors mise en place afin d'assurer une surveillance permanente sur ce fameux trophée. Mais au matin du Dimanche 10 Mars, alors qu'il semblerait que c'était le jour de congés du garde posté au pied du trophée, certains employés découvrent à 12h10 précises que la coupe a disparu et que sa vitrine a été forcée ! Le ou les voleurs sont passés par la porte de derrière afin de se faire discret... Mais le plus curieux dans cette histoire est que les voleurs savaient ce qu'ils étaient venus chercher, ils ont seulement emporté avec eux le trophée d'une valeur de quelques milliers de livres à l'époque, tout en laissant tous les timbres dans leurs vitrines, dont la collection était estimée à plus de 3 millions de livres selon la BBC ! Pourquoi avoir seulement volé ce trophée ?
Politiquement parlant, il ne faut surtout pas que l'affaire s'ébruite, ce serait un drame si toute la planète entière était au courant du vol du trophée seulement 3 mois avant le début de la compétition ! En coulisse, les instances s'activent : Scotland Yard est chargé de l'enquête et le secrétaire de la Fédération Anglaise de football se rend en urgence chez George Bird, un joaillier londonien, afin de créer une réplique du trophée identique à l'originale ! Tout ceci, dans le plus grand secret bien sûr...
Mais peu à peu, une rumeur se répand au sein de la population anglaise, le trophée de la Coupe du Monde aurait été enlevé... Scotland Yard lance un appel à témoins et confirme ainsi la rumeur, le trophée n'est plus... La police anglaise reçoit alors des témoignages les plus farfelus les uns que les autres : un homme aurait même indiqué à la police que son horloge lui aurait dit que le trophée était caché dans la ville de Wicklow, en Irlande. Mais parmi tous ces témoignages invraisemblables, la police arrive à trouver un suspect aux heures approximatives du vol : toujours selon la BBC, cet homme est décrit comme étant au début de la trentaine, de taille moyenne avec des lèvres fines, des cheveux noirs gominés et une possible cicatrice sur le visage. L'espoir renaît, mais malheureusement la piste s'arrêtera là et l'homme ne sera jamais identifié...
Mais quelques jours après le vol, un mystérieux appel va totalement changer la donne... L'homme qui passe l'appel ? Un certain "Jackson" ! L'homme qui reçoit l'appel ? Joe Mears, alors président de la Fédération Anglaise de football ! Jackson indique qu'il est l'auteur du vol du trophée et qu'il réclame 15 000 livres de rançon en échange ! Afin d'appuyer ses propos, il fait même parvenir à la police un petit morceau du fameux trophée Jules Rimet. Le rendez-vous se met alors en place afin de procéder à l'échange dans une centrale électrique désaffectée à Battersea, au Sud-Ouest de Londres. Chacun joue de son bluff, la police amène à Jackson une mallette remplie de papier journal ainsi que de seulement 500 livres de vrais billets afin de masquer l'arnaque. Jackson, lui, indique que le trophée n'est pas avec lui et qu'il faut prendre la voiture afin d'aller le retrouver. L'homme essaye alors de s'échapper en voiture et de semer les forces de l'ordre qui arriveront tout de même à arrêter le fuyard ! Malheureusement, le trophée n'était bel et bien, pas en sa possession... Il indiquera aux enquêteurs avoir agi sous l'ordre d'un commanditaire, nommé The Pole, en échange de 500 livres.
Un nouveau rebondissement va également bouleverser cette affaire, mais cette fois-ci, pour de bonnes raisons ! Le Dimanche 27 Mars 1966, soit une semaine après le vol du trophée, un homme, David Corbett sort tranquillement de son appartement sud-londonien afin d'aller sortir Pickles, son chien noir et blanc, âgé de 4 ans. Corbett s'arrête alors dans la cabine téléphonique de son quartier afin de passer un appel lorsque son chien renifle un petit buisson. Son maître se rend alors au pied du petit buisson voir ce qui a attiré l'attention de son animal. Il découvre un paquet enveloppé de papier journal. Il raconte : "C'était un objet solidement emballé avec du papier journal et de la ficelle. Il était posé contre une roue de la voiture de mon voisin. Je l'ai ramassée. Il était assez lourd, bien que pas très grand. L'IRA étant très active à l'époque, j'ai d'abord cru à une bombe. J'ai reposé le paquet par terre, puis je l'ai repris et encore reposé. Finalement, la curiosité l'a emporté. J'ai un peu déballé le bas, c'était un simple disque. J'ai continué et j'ai vu 'Brésil, Allemagne, Uruguay'. Je me suis précipité à l'intérieur vers ma femme. Elle était l'une de ces épouses anti-sport. Mais j'ai dit : "J'ai trouvé la Coupe du monde ! J'ai trouvé la Coupe du monde !"' Mais tout comme Mauro Prosperi dans un précédent épisode de mon podcast, alors qu'il pensait être le héros dans l'histoire, il va être arrêté par la police et interrogé pendant de très longues minutes... Il expliquera, pour le Guardian : "J'étais le suspect numéro un ! Ils m'ont interrogé jusqu'à 2h30 du matin. J'étais debout à six heures le lendemain pour le travail. Je me suis demandé si je n'aurais pas dû laisser le trophée sur la route."
Pickles sera érigé en héros national ! Il recevra un an de nourriture gratuite par la marque Spillers et aura la chance de tourner dans un long-métrage. Il aura également le privilège d'assister, avec son maître, à la finale de la Coupe du Monde qui opposera l'Angleterre à l'Allemagne de l'Ouest.
Mais revenons à notre chien héros, il recevra, avec son maître, 5 à 6 000 livres de récompense selon les sources, soit environ 5 fois la prime que les joueurs anglais recevront après avoir remporté leur première Coupe du Monde, et à domicile qui plus est.
Malheureusement, l'histoire était trop belle... L'année suivante, lors d'une ballade avec le fils de David Corbett, Pickles démarre en trombe et sprinte en chassant un chat. Le jeune fils n'arrive pas à retenir son chien et la laisse s'échappe de sa main. Pickles sera retrouvé inanimé quelques minutes plus tard étranglé par sa laisse alors qu'elle se serait accrochée à un arbre. David Corbett l'enterre alors dans la maison qu'il a acheté avec l'argent de la récompense de la découverte du trophée. Une plaque commémorative a aussi été placée en son honneur : "Pickles, le découvreur de la Coupe du monde 1966".
Aussi, selon un article du Parisien : "Condamné à deux ans ferme pour la demande de rançon, et non pour le vol du trophée, Jackson, de son vrai nom Edward Betchley mourra peu après sa sortie de prison en 1969, laissant planer le mystère sur cette affaire". Effectivement, un tas de mystères plane encore sur ce vol :
Faisons ensemble un petit saut de 4 ans dans le futur. Cette année-là a lieu la Coupe du Monde 1970 se déroulant au Mexique. Au bout de 3 semaines de compétition, le Brésil sort vainqueur du tournoi et le footballeur élu meilleur joueur de la compétition sera Edson Arantes do Nascimento. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais lorsque je vais prononcer son surnom, vous allez immédiatement le reconnaître : Pelé. Pelé devient alors le premier, et seul footballeur jusqu'à maintenant, à avoir soulevé 3 Coupes du Monde en tant que joueur.
Mais en ce qui concerne le trophée, le plus important cette année-là est tout autre : lors de la création du tournoi en 1930, Jules Rimet avait décidé une règle qui va changer l'apparence du trophée pour les années à venir. A l'époque, il avait décidé que lorsqu'une nation remporterait trois titres mondiaux, elle pourrait garder définitivement le trophée et la FIFA allait en créer un nouveau. C'est donc ce qui s'est passé lors de cette Coupe du Monde 1970, l'équipe brésilienne a pu emmener avec elle le trophée Jules Rimet afin de l'exposer définitivement sur ses terres. Un nouveau trophée allait être créé par la FIFA. Parmi les 53 propositions de design faites par des sculpteurs de sept pays, c'est la sculpture de l'italien Silvio Gazzaniga qui sera finalement retenue. Sa sculpture est celle que vous connaissez tous, elle représente deux sportifs soulevant la Terre.
L'ancien trophée est alors conservé en lieu sûr définitivement mais est déplacé en 1983 lors d'une exposition au siège de la Fédération Brésilienne de Football à Rio. C'est à ce moment-là qu'a lieu notre troisième et dernière péripétie... Dans la nuit du 19 au 20 Décembre 1983, cinq hommes s'introduisent dans le siège de leur fédération nationale armés d'un couteau et d'une arme à feu. Ils ligotent le gardien de nuit et s'introduisent dans le bureau du président de la fédération brésilienne situé au 9ème étage. Ils y découvrent le fameux trophée placé sous une vitre blindée. Mais ces hommes sont bien renseignés, le trophée était placé sous une vitre blindée du côté du public, c'est vrai, par contre ce que personne ne sait, à part les voleurs, c'est que du côté du mur, le trophée est seulement protégé par une simple planche de bois... Les voleurs réussissent à desceller le panneau de bois du mur grâce à un pied de biche et découvrent alors ce qu'ils étaient venus chercher, le trophée représentant la déesse Niké !
Ils repartent tous fiers de ce qu'ils ont accompli et la découverte du vol peinera toute une nation entière fan de football... Aussitôt lorsqu'elle apprend ça, la presse anglaise se venge et ressort des phrases prononcées par la presse brésilienne lors du vol du trophée en Angleterre avant la CDM 1966. "Un tel vol ne serait jamais arrivé au Brésil. Même les voleurs brésiliens aiment le foot et ne commettraient jamais un tel sacrilège." Râté... Quelques arrestations ont lieu mais aucune condamnation ne sont prononcées. Pelé, lui, pardonnera les voleurs en prononçant une phrase dédouanant les voleurs en imaginant que leur vol a été effectué à cause de la pauvreté régnant dans le pays. Mais tous les brésiliens ne seront pas aussi conciliant envers les voleurs, lorsque l'on s'attaque à l'un de leurs symboles nationaux, il faut s'attendre à en payer le prix fort... Antonio Carlos Aranha, un des suspects arrêtés pour le vol sera retrouvé en 1989 assassiné de 7 balles dans le corps. Une croyance populaire veut que le trophée aurait été fondu, mais ce trophée est fait d'or et d'argent mêlé ce qui rend impossible sa fonte ! Où est-il actuellement ? Est-il sur la cheminée d'un riche homme d'affaires, caché dans les favelas de Rio ou caché dans une boîte à chaussures sous un lit ? Personne ne le sait...
Et plus personne n'entendra parler du trophée Jules Rimet jusqu'en 1997...
Cette année-là est marquée par le décès de George Bird, auteur de la copie du trophée en 1966. Ses héritiers décident alors de mettre aux enchères la réplique du trophée confectionnée suite au vol en Angleterre. Le prix de départ est de 20 000 livres, soit environ 10 fois la valeur réelle de l'objet ! Et pourtant, deux enchérisseurs bien particuliers vont se battre afin de remporter l'enchère : la FIFA et la Fédération Brésilienne de Football ! Les deux instances soupçonnaient le fait que lors de la Coupe du Monde 1970, l'Angleterre avait échangé le réel trophée et la réplique, en gardant l'original et en rendant la réplique pour l'édition suivante. Finalement, c'est la FIFA qui remporte l'enchère pour 254 000 livres ! Son premier réflexe est alors de faire expertiser la coupe afin de déterminer quel trophée elle a acheté... Manque de chance pour eux, il s'agissait bien de la réplique en bronze de Bird...
Il y a encore tout un tas d'anecdotes surprenantes et étranges que j'aurais pu vous raconter sur ce trophée... Comme le fait qu'après sa victoire en 1954, la RFA aurait rendu le trophée pour l'édition suivante grandi de 5cm de plus ! Mais personne ne s'en était rendu compte ou inquiété à l'époque... De nos jours, la règle stipulant que le triple vainqueur du trophée aurait la chance de le garder définitivement n'existe plus, le trophée gardera jusqu'à la fin de ses jours sa forme actuelle. Pourtant celui-ci n'est pas éloigné de tous mystères ou étrangetés non plus... Officiellement le trophée pèse environ 6kg, mais pourtant les spécialistes affirment que s'il était réellement fait d'or massif, il devrait peser 15 à 20 fois plus lourd ! Un mystère de plus qui vient donc s'ajouter à l'effarante liste de mystères de l'ancien trophée... Une chose est sûre, ces trophées sont encore très loin de nous avoir confiés tous leurs secrets...